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Site Frachet Marguerite Yourcenar
11 mars 2013

Le Labyrinthe du monde

Le Labyrinthe du monde est un ensemble biographique et historique écrit par l'écrivain Marguerite Yourcenar, écrit en trois parties dans les années soixante dix.

Cette fresque biographie "Le Labyrinthe du monde" où Marguerite Yourcenar apparaît bien peu, se décline en trois volumes :
- "Souvenirs pieux", éditions de Monaco, 1973, Gallimard, 1974;
- "Archives du Nord", éditions Gallimard, publié en 1977;
- "Quoi, l’éternité ?", éditions Gallimard, publié en 1981.

               <<< • • voir aussi ma fiche de présentation Souvenirs pieux • • >>>

Le premier tome, après l'annonce de sa naissance à Bruxelles le 8 juin 1903, remonte le cours du temps jusqu'à la Rome antique. Le second commence à la nuit des temps et suit le cours des siècles jusqu'à la naissance de Marguerite ce fameux jour de 1903.

Jour minuscule, naissance de si peu d'importance, perdue dans l'immensité des temps. Pas question pour elle de se mettre en scène, de roman d'introspection. On sent aussi une fêlure, sa mère Fernande, si présente, cette mère qu'elle n'a pas connue, morte dix jours après sa naissance. Cette jeune femme, "tiède et douce", est l'image même de ces femmes-victimes qui peuples son œuvre. Cette mère est issue d'une famille d'aristocrates établie dans le Hainaut. Marguerite Yourcenar va reconstruire son histoire à partir d'une principauté ecclésiastique relevant à cette époque du Saint-Empire germanique : la ville de Liège alors en plein développement, le château de Flémalle à jamais disparu. Le château de Marchienne aussi, fief de la famille, connu pour avoir hébergé des troupes de Dumouriez et Saint-Just rédigeant des rapports pour Robespierre.

Dans sa recherche du passé, elle retrouve l'oncle Octave Pirmez, écrivain cultivé, qui décrit sa jeunesse rêveuse et studieuse avec son frère Rémo qui va se suicider, laissant Octave inconsolable. Flux et reflux de ce livre qui "prend forme comme la terre même et cherche à épouser son mouvement confus". Au fur et à mesure dans la lignée des Crayencour, se creusent les traits qui la dominent : le goût de la vie, respect de l'argent, refus de l'autorité.

Au XVIème siècle, un visage commence à se dessiner, celui de "Cleenewerck... minuscule à cette distance", quelque part entre Bailleul et Cassel, bourgeois patricien qui tisse sa toile socio-commercial, s'appuie sur son réseau pour étendre son influence. Un moment, le temps se fige dans le portrait d'une parente peinte par Rubens. Orgueil de la famille comme un caillou posé sur le destin chaotique de la famille. Le chemin se sépare en plusieurs branches qui mènent en Prusse et en Westphalie. Pour elle, famille noble, l'homme doit être appréhendé dans ce qu'il est, dans son être, non dans son devenir ou ses actes.

Tous ces bouts de vie, transmis de génération en génération, rapiécés par l'imagination de la narratrice, se rejoignent dans les tribulations de Michel qui a mené une vie aventureuse et décousue. D'abord étudiant ténébreux et militaire fringant, il devient ce rebelle qui s'attelle à dilapider la fortune familiale. Apparemment, il a une vie erratique, s'engage dans l'armée, perd au jeu, s'enfuit en Angleterre, enlève une jeune femme Maud, la femme d'un ami. Revenu en France après d'autres aventures, il réintègre l'armée pour aussitôt déserter et partir en Amérique retrouver Maud. Impossible comme déserteur de revenir en France, alors il s'installe en Belgique.

La famille qui n'abandonne jamais l'un de ses rejetons le récupère et réussit à le marier avec Berthe. mais avec sa nouvelle femme et sa belle-sœur Gabrielle, ils mènent une vie mondaine, de plaisirs et de luxe en Europe, allant de casinos en concours hippiques, de galas en croisières. Ruinés, ils s'enfuient jusqu'en Ukraine puis on les retrouvent ensuite en Belgique où ils travaillent dans un cirque. C'est dans ce pays que les deux femmes vont mourir à quelques mois d'écart, on ne sait trop comment, abandonnant Michel à son sort. La famille le récupère une nouvelle fois et le marie à Fernande. La boucle est bouclée et le destin de Marguerite Yourcenar est scellé.

 

D'après l'interview parue dans "Les yeux ouverts"

Si Marguerite Yourcenar a nommé Le labyrinthe du monde sa grande fresque familiale en trois volumes (le dernier inachevé), aux personnages souvent malmenés par les remous et les vicissitudes de l’histoire, c’est parce que l’actualité est un « labyrinthe d’événements et d’êtres » cachant l’inquiétante silhouette du Minotaure (cf sa pièce Qui n’a pas son Minotaure ?), image récurrente qui a traversé toute l’antiquité. Ce titre est en fait emprunté à l’ouvrage d’un auteur tchèque du XVIIe siècle Comenius, que son père avait traduit. C’est dit-elle, « un très beau livre, amèrement satirique », qui s’achève sur un tableau intitulé Le paradis du cœur, un bonheur qui survit parfois au désespoir causé par la douleur du monde.

L’idée d’entreprendre cette fresque familiale qui l’avait taraudée pendant sa jeunesse, resurgit quand elle reprit ses notes et ses documents pour écrire L’œuvre au noir parue en 1968. Ce qu’elle confirme par cette formule : « Souvenirs pieux et Archives du Nord sont nés en somme de mon retour en Flandres avec Zénon. » Dans cet exercice entre roman et biographie, elle s’astreint à ce que tous les détails « même s’ils faisaient l’objet d’une sorte de montage romanesque, fussent authentiques. »

Pour les deux premiers tomes qui se terminent tous les deux quand elle est âgée de six semaines, on ne peut guère parler de souvenirs personnels, sinon reconstruits à travers des témoignages, des impressions comme cette visite au cimetière de Suarlée à l’âge de 50 ans. Mais elle a connu les personnes qu’elle met en scène, comme l’oncle Octave et la tante Géorgine tels qu’ils étaient quand elle était encore enfant, et Michel bien sûr, ce père dont les souvenirs se sont amassés pendant plus de vingt ans.

Son objectif consistait à « remonter le temps » en le traversant du "quasi présent" aux temps les plus reculés possibles. Des liens complexes, entremêlés entre destins individuels et collectifs, allant du vétéran de Flémalle vivant sous Trajan aux grandes invasions qui préfigurent les exodes des grandes guerres mondiales du XXe siècle. Chaque famille est très souvent enracinée dans un territoire restreint, bien circonscrit comme la sienne répartie entre Cassel et Bailleul, entre Ypres et Béthune, avec quelques incursions de protestants persécutés en Angleterre ou aux Pays-Bas.

Dans Quoi, l’éternité ?, dernier tome de sa trilogie, elle évoque des souvenirs d’enfance, faisant « le vide en soi pour considérer seulement l'objet ou le souvenir qui vous importe. » Quelques souvenirs éclairants qui dépassent les analyses psychologiques quand « le roman va plus loin que la biographie. » Plus qu’une étude sur l’enfance, ce roman est aussi 25 ans de la vie de Michel, son père, qui aimait sa fille et ses maîtresses et s’intéressait à bien d’autres choses. C’est également une Europe qui glisse inéluctablement par deux fois dans la guerre mondiale, où domine dans ses souvenirs d’enfance le tocsin de 1914.

Constat lucide : « On ne comprend pas l’éternité. On la constate. Le vers de Rimbaud exprime l’étonnement émerveillé devant cette suprême "Illumination" ».

Voir aussi :

     <<< Christian Broussas - Feyzin, 28 décembre  2012 - <<© • cjb • © >>>

 

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