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Site Frachet Marguerite Yourcenar
12 mars 2013

Mémoires d'Hadrien

1- Présentation

On peut d'abord considérer les Mémoires d'Hadrien comme un roman historique, autobiographie imaginaire et épistolaire de l'empereur romain Hadrien mais c'est aussi une tentative de l'auteure de le présenter dans son 'compartiment de temps' comme elle disait. [1]

Marguerite Yourcenar, dans son carnet de notes relatif au livre, indique qu'elle a essayé de se rapprocher le plus possible du personnage et du contexte historique, c'est pourquoi elle utilise la première personne dans cette lettre adressée à son successeur l'empereur Marc Aurèle [2]. Mais elle connaît bien les limites de sa tentative : « Quoi qu'on fasse, on reconstruit toujours le monument à sa manière. Mais c'est déjà beaucoup de n'employer que des pierres authentiques ».

Elle précise, toujours dans ses Carnets de notes, qu'une citation tirée de la correspondance de Gustave Flaubert l'a beaucoup aidé à reprendre la rédaction de ce livre commencé depuis longtemps, dans son désir de réécrire ce livre. [3] De même, elle a fort hésité pour choisir un personnage, en particulier le héros Zénon de L'Œuvre au noir qui se présente aussi comme un être à la fois tolérants et sans grande illusion sur ses semblables et les illusions qui les portent.

Ce roman se présente aussi comme une méditation d'un homme de pouvoir qui sent sa fin proche, sous forme épistolaire. Il retrace ainsi les grands événements de sa vie passée, dans une Rome assez libre pour son époque mais avec le recule nécessaire à sa fonction. Il évoque bien sûr sa passion pour le jeune bithynien Antinoüs et la terrible douleur que lui causa son suicide. L'expérience d'Hadrien a une vertu quasiment universelle. Ce passé que Yourcenar met en perspective est celui « que le présent a refait à son goût et à sa mesure. » Cette intemporalité fait que « en chaque homme se cache un empereur Hadrien ». [4]

Yourcenar n'écrit pas à partir de son vécu mais de sa culture, devant un tableau, un livre ou une sculpture. "L'histoire ne l'intéresse pas dans le vécu... mais ce qui s'est figé et est devenu substance, valeur, archétype." D'où l'importance des mythes dans son œuvre. Cette culture intemporelle que porte Hadrien, nous la retrouvons dans sa conception de la vie, quand il dit "j'ai cherché la liberté plus que la puissance", et la liberté suprême de s'accepter soi-même. [5]

C'est l'empereur Trajan, son parent, qui l'initie, l'emmène avec lui combattre les Scythes où il apprend courage et discipline. A Rome, il trouve la protection de l'impératrice Potine qui s'opposera à la femme d'Hadrien. La vie amoureuse de l'empereur sera dominée par deux éphèbes : le romain Lucus puis le grec Antinoüs dont le suicide l'affectera toujours. Le mythe d'Hadrien, c'est tout à la fois de connaître ses pouvoirs et ses plaisirs mais aussi ses faiblesses et ses douleurs.

2- D'après une interview de "Les yeux ouverts"

En 1988, Marguerite Yourcenar "fait du vide", brûle « tout un tas de fatras » et tombe par hasard sur un brouillon, fragment des Mémoires d’Hadrien, tombé dans l’oubli. Elle considère que le passé est d’autant plus important que qu’il est ‘majoritaire’, étant plus long et plus vaste que le présent, surtout « l’étroit présent de chacun de nous ». Ce brouillon est pour elle une redécouverte, « le coup de foudre ». Effet du hasard donc et Marguerite Yourcenar croit à « l’énorme part de hasard en tout », qu’elle définit comme « l’entrecroisement d’événements aux causes trop complexes pour être définies ou calculées… et ne semblent pas dirigées par une volonté extérieures à nous. » Au fil de ses lectures, elle s’aperçoit que le monologue est la seule forme possible, surtout pas de dialogues car nous ne savons pas « ce qu’ont pu être les propos d’Hadrien avec Trajan, Antinoüs ou avec Plotine. » Ce qui l’intéresse dans le personnage d’Hadrien, c’est qu’il fût à la fois homme de lettres et homme d’action, un long passé et quelques visions de l’avenir ; un homme déjà âgé aussi, qui pût « regarder sa vie en perspective. »

Le personnage d’Hadrien lui évoque d’autres échos, le jeune Eric de Coup de grâce « aurait pu devenir un Hadrien, » aussi dur, tendre et lucide à sa manière. Alexis proclame que « tout bonheur est une innocence » alors que pour Hadrien « tout bonheur est un chef-d’œuvre. » Hadrien est sans doute l’empereur le plus intéressant du monde romain. Il a rétabli l’économie, amélioré le sort de l’esclave sans tomber dans la démagogie ou a imposé sa politique agraire. Ce fut un grand législateur qui permit aussi le renouveau de l’art grec. Mais ce qui domine c’est sa grande histoire d’amour avec son favori Antinoüs ; une histoire qui finit mal, par son suicide, laissant l’empereur inconsolable. Un suicide dont on ne connaîtra jamais les raisons exactes et dont on peut penser qu’il s’est sacrifié pour son vieil empereur. Ce fut un homme tout en souplesse dans une époque qui le permettait, s’appuyant tout à tour sur les forces républicaines ou sur le Sénat. Marguerite Yourcenar y voit un « accomplissement de sa plénitude d’homme d’état. »


La villa Marguerite Yourcenar à St Jans Cappel (59)

Ouvrage de référence

  • Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien, éditions Plon, 1951, 323 pages, réédition Le Livre de Poche-Plon, 1957

Bibliographie sélective

  • Alexis ou le Traité du vain combat, éditions Au sans pareil, 1929, réédition chez Plon, 1954
  • La nouvelle Eurydice, édition originale Grasset, 1931
  • Le labyrinthe du monde :
    • Tome I : Souvenirs pieux, éditions Gallimard, 1974
    • Tome II : Archives du Nord, éditions Gallimard, 1977
    • Tome III : Quoi, l'éternité ?, éditions Gallimard

Voir aussi

Notes et références

  1. Sur cette notion, voir le livre de Jean Blot Marguerite Yourcenar, chapitre 3 'Le critique', par exemple "il faut s'arrêter et observer ce temps divisé en compartiments à la manière d'un espace" (page 29)
  2. L'auteur dans les premières versions écrites entre 1924 et 1929, qu'elle a détruites par la suite, avait fait d'Antinoüs le narrateur
  3. En particulier, cette phrase de Flaubert : « Les dieux n'étant plus et le Christ n'étant pas encore, il y a eu, de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l'homme seul a été. »
  4. Il représente « un compartiment du temps nettement défini... virtuellement actuel et qu'il convient de désigner sous le nom d'Hadrien » (page 123).
  5. Voir Marguerite Yourcenar, Jean Blot, pages 132-134

Liens externes
* interview [1] Le Monde des Livres du 5 mai 2006

Liens externes

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