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Site Frachet Marguerite Yourcenar
12 mars 2013

Yourcenar, Sous bénéfice d'inventaire

Sous bénéfice d'inventaire est un recueil de Marguerite Yourcenar qui est aussi un ouvrage d'analyse et de commentaires sur l'univers assez noir de Piranesi, 'Les Tragiques' d'Agrippa d'Aubigné, le fanatisme religieux et sa cruauté, le monde d'écrivains comme la suédoise Selma Lagerlöf ou le romancier allemand Thomas Mann avec 'La Montagne magique'.

Cet ensemble d'essais critiques qui, selon l'auteure, lui permettent d'aller « les yeux ouverts », comme elle le disait déjà pour l'Hadrien des Mémoires, comprend une étude sur un autre empereur romain, "L'Histoire d'Octave", deux essais dans l'esprit de L'Œuvre au noir, le premier sur les thèmes d'Agrippa d'Aubigné, le second traitant de l'évolution des mœurs au château de Chenonceaux au cours des siècles et ses occupants les plus connus comme les maîtresses royales Diane de Poitiers et Gabrielle d'Estrées ou l'écrivain Jean-Jacques Rousseau.

Résultat de recherche d'images pour "Yourcenar, Sous bénéfice d'inventaire photos"  Yourcenar dans les années 80

Puis suivent une série de textes littéraires sur Selma Lagerlöf, prix Nobel de littérature, auteur notamment de Le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède ou Les Liens invisibles, qui décrit la vie dans son pays la Suède du XIXe siècle et Thomas Mann, auteur complexe dont l'œuvre va de La Montagne magique au Docteur Faustus et qui entretenait de curieux rapports avec la tradition hermétiste et alchimiste présentant le monde « sous les espèces de l'intériorité ». Cette dernière œuvre intéressait particulièrement Marguerite Yourcenar parce qu'elle se présente comme la biographie fictive d'un musicien, Adrian Leverkühn racontée par son grand ami Serenus Zeitblom. Leverkühn est un grand musicien dont la vie rappelle beaucoup celle du personnage mythique de Faust, comme la société allemande évolue de la même façon vers ce destin tragique qui scellera les débuts du nazisme.

Elle présente aussi deux hommes qu'elle appréciait particulièrement : Giovanni Battista Piranèse et ses Les Prisons imaginaires, graveur et architecte italien qui voulait « sublimer l'Antiquité » en leur donnant une dimension dramatique pour exalter la magnificence de Rome. Puis le poète grec Constantin Cavafy, qui la touchait beaucoup [1] et auquel elle consacra une autre étude, qu'elle considérait comme l'un des plus importants de la littérature du XXe siècle.

Elle réfléchie ainsi sur la façon dont une civilisation se termine, sachant que ce n'est pas à cause de ses vices ou de ses crimes mais que les causes en sont beaucoup plus complexes, plus difficiles à analyser. Elle dénonce aussi le gigantisme de nos sociétés, leur croissance démesurée, le gaspillage qu'elle implique, mêlé à une fragilité née de sa propre puissance qui n'est qu'un manque de fermeté, de ce qu'elle appelle « réaffirmations pompeuses d'un grand passé au milieu de l'actuelle médiocrité et du présent désordre » [2]. Elle ne distingue que quelques hommes lucides au milieu « des fous violents... et des faibles sages. » [3]

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                                                            M Yourcenar et Grace Frick

D'après une interview de "Les yeux ouverts"

Quand Matthieu Galley lui demande quels liens existent entre les essais qui forment l’ensemble de Sous bénéfice d’inventaire, elle répond sans ambages : « Aucun, sauf mon intérêt pour ces sujets-là. Cavafy et Selma Lagerlöf sont deux grands écrivains, voilà tout. Quant aux veuves de Chenonceaux et aux gravures de Pinarèse, ce sont des morceaux de vie dans un temps donné. C’est la vie qui les relie. »

« ... nous avons appris à reconnaître ce gigantisme qui n’est que la contrefaçon malsaine d’une croissance, ce gaspillage qui fait croire à l’existence de richesses qu’on n’a déjà plus, cette pléthore si vite remplacée par la disette à la moindre crise, ces divertissements ménagés d’en haut, cette atmosphère d’inertie et de panique, d’autoritarisme et d’anarchie, ces réaffirmations pompeuses d’un grand passé au milieu de l’actuelle médiocrité et du présent désordre, ces réformes qui ne sont que des palliatifs... »
Marguerite Yourcenar. L’Histoire Auguste, 1958, repris dans le recueil Sous bénéfice d’inventaire

Référence : - Sous bénéfice d'inventaire, éditions Gallimard, 1962 réédition collection Blanche, 1978, ISBN 2070272397

Notes et références :

  1. Voir sa préface de la traduction des poèmes de Cavafy où elle écrit : « c'est aussi l'un des plus grands, le plus subtil en tout cas, le plus neuf peut-être, le plus nourri pourtant de l'inépuisable substance du passé.»
  2. Voir Sous bénéfice d'inventaire, éditions Gallimard p. 26
  3. Essais et mémoires, Sous bénéfice d'inventaire, Bibliothèque de la Pléiade, éditions Gallimard, p.21.

       <<< Christian Broussas - Feyzin, 28 décembre  2012 - < © • cjb • © >>>

 

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